1 Le statut de la bible
Une remarque, en ouverture : le titre comporte la mention " nos textes sacrés
"... cela peut se dire, par commodité de langage, mais pour le protestantisme,
c'est impropre. La Bible n'est pas sacrée. Elle est normative. Elle est de plus
le seul texte à pouvoir jouer ce rôle de norme ultime. Il n'y a pas de référence
qui lui soit supérieure.
Mais la Bible pour nous n'est pas sacrée, au sens d'intouchable par exemple.
La critique scientifique (historique, sociologique, psychologique, philologique,
linguistique, par ex, mais on pourrait allonger la liste) peut et doit étudier
les textes qui composent la bible. Le chercheur peut et doit émettre toute hypothèse
qu'il doit ensuite étayer, argumenter, librement. Et bien sûr soumettre à la
critique d'autres chercheurs son hypothèse.
Et ce sont les protestants, souvent, qui se sont montrés les plus critiques
vis-à-vis des opinions établies concernant le texte biblique. Par exemple Rudolf
Bultmann, dans la première moitié du siècle dernier, n'hésitait pas à s'interroger
et à nous interroger : Jésus a-t-il vraiment dit telle chose, que tel évangéliste
place pourtant dans sa bouche ?
Et si certains groupes protestants peuvent parfois sacraliser le texte biblique,
il faut redire ici que c'est une expression de l'un des dangers qui guette toute
religion, et qui conduit au fondamentalisme. Nous devons nous rappeler que ce
n'est pas la lettre de notre Ecriture qui fait vivre, mais l'esprit auquel elle
rend témoignage.
2 Lire l'Ecriture
Lire l'Ecriture est nécessaire et vital pour nous. Mais c'est à une lecture
en dialogue, ou s'élabore du sens dans une rencontre, à laquelle nous sommes
appelés. La Bible ne se suffit pas à elle-même. Il faut l'inspiration du Saint-Esprit.
Ce même Esprit qui a inspiré les Ecritures doit inspirer le lecteur. Ce qui
est central n'est pas le texte, mais la parole reçue à nouveau à travers cette
lecture.
3 Relativisations de l'Eglise, des doctrines
Se replacer sous l'autorité des Ecritures, pour nous protestants, c'est soumettre
tout ce que nous élaborons pour dire et vivre notre foi à la critique constante
de la bible.
Ainsi, notre manière de dire notre foi à travers des dogmes, croyances, mais
aussi de vivre notre foi dans des structures, Eglises, sera toujours à réformer,
car toujours ambigu et limité.
L'Ecriture ne vient pas étayer ce que nous faisons et disons, mais interpeller
pour nous aider à aller toujours plus loin.
Il n'y a pas dans la bible de doctrine révélée, mais des événements révélateurs,
et des témoignages de personnes qui ont interprétés ces événements, les ont
racontés.
Par exemple, un texte nous parle d'une visite de Jérémie chez un potier. L'important
n'est pas que Jérémie ait vu un potier. L'important est dans le contexte de
ce " geste " et dans le sens qu'il en a été dégagé.
C'est un sens " unique ", qui s'appliquait à cette situation et pas à une autre.
Mais en même temps, ce texte peut nous interpeller aujourd'hui. Pour cela, il
faut qu'un sens s'en dégage pour nous, dans le contexte qui est le notre Il
ne s'agit donc pas d'appliquer la " recette " qu'on pourrait peut être déduire
de ce texte, mais de regarder ce qui est en jeu dans cette histoire, pour en
tirer une parole pour nous.
4 La bible, ni plus ni moins
Lire la Bible c'est se confronter à un texte fermé, au choix de personnes qui
nous ont précédé. L'ensemble des chrétiens a dit, il y a plusieurs siècles,
voici : le contenu de la Bible est tel. Le contenu de la Bible est donc précis,
limité, on ne peut y ajouter, ni en retrancher des textes.
Pourtant, la révélation ne s'arrête pas là. Elle continue aujourd'hui, dans
notre existence, dans notre relation personnelle à Dieu, à travers la méditation
des Ecritures.
Mais en disant que la Bible a tel contenu, et que ce contenu est précis, nous
affirmons que tout ce qui est nécessaire au salut est contenu dans la Bible.
5 L'insoumission de Dieu
La Bible est le témoignage d'un Dieu insoumis. Non, Dieu n'est pas soumis à
nos interprétations, à nos images, à nos représentations - qu'elles soient artistiques,
mentales, ou autre. Il y a diversité d'images de Dieu, y compris dans la Bible
elle-même.
Autrement dit, il nous est impossible d'enfermer Dieu dans ce que nous pouvons
en dire. Il est toujours au-delà de ce que nous pouvons nous en représenter,
de ce que nous osons affirmer sur lui. Nous ne saurions, en aucun cas, posséder
la vérité sur Dieu.
Dire Dieu est possible de bien des manières. Mais Dieu est au-delà de toutes
ces manières. Oui, la Bible, pour nous, est la référence obligée de notre foi.
C'est par elle que Dieu nous parle. Oui, mais elle ne nous autorise pas à dire
que notre parole est exacte, ou juste, ou parfaite. Elle nous pousse sans cesse
à reprendre notre bâton de pèlerin, pour chercher à nouveau, chercher avec persévérance.
Chercher la vie.
Notre Texte n'est pas sacré, il est le témoignage de générations de croyants
qui disent comment ils ont cru. Nous devons les regarder vivre dans ces textes,
pour peut-être comprendre mieux ce qui nous-mêmes vivons et croyons.
La Bible se contemple : on y observe la relation vivante qui unit un Dieu est
ceux qu'il appelle à le suivre. On y observe un chemin à prendre...
Jean-Pierre Gardelle