Compte-rendu de l'atelier de discussion avec l'orateur juif, Pierre Cordier

Les discussions ont tourné autour de deux thèmes : le rite et l'identité du peuple juif.

Le rite :
Le rite n'est pas seulement religieux, même s'il l'est souvent et même de façon cachée ("A ta santé" est une réminiscence d'une salutation romaine ou il fallait souhaiter une bonne santé à l'Empereur avant de boire du vin).
Le rite est reconnaissable, identifiable comme tel par un observateur, même s'il n'en connaît pas le sens, et ceci est aussi vrai pour les animaux (parades nuptiales par expl.)
Le rite a un rôle dans le fonctionnement d'un groupe, comme facteur de reconnaissance et d'identification. Il sépare et définit.
La rencontre entre religions pourrait-elle rapprocher les rites ? Cela paraît difficile tant la charge symbolique des rites est grande. D'ailleurs est-ce souhaitable ? Ce fut la tentative de la "religion naturelle" du 18e siècle. Les modifications s'opérenet plutôt à l'intérieur même des religions.
Le fondamentalisme : Il n'est pas nécessairement négatif. Il a eu un rôle important dans l'histoire et l'évolution des religions, par exemple dans les Réformes catholique et protestante des 15e et 16e siècles. Il a aussi un rôle important dans la vie de chaque croyant, quand il se pose la question : Est-ce que ce que je fais est bien ? Mais bien sûr, il reste le risque de l'utilisation, surtout politique. En fait la réponse à un fondamentalisme qui s'adresserait surtout à l'ignorant, c'est l'étude.
Les rites alimentaires, le non mélange du lait et de la viande chez les Juifs par exemple, tiennent le rôle de barrière de protection contre le risque de transgressions accidentelles, involontaires. Cette interdiction là spécialement vient du passage de l'économie pastorale à une économie urbaine, ou on n'avait plus la "traçabilité".
L'importance pour les Juifs des rites de pureté est surtout apparue après la destruction du 1er temple, qui a marqué la fin des sacrifices, remplacés par les prières. Plus de sacrifices, plus de prêtres, et en fait tout le peuple est devenu prêtre, et s'est alors astreint aux rites de pureté. On les retrouve déjà à Qumran, bien avant la destruction du 2nd temple. Les rabbins sont apparus alors.
Pour celui qui a été baigné dans le rite depuis sa jeunesse, celui-ci est associé à des moments agréables. Il touche l'affectif.

L'identité du peuple juif :
La définition que les Juifs donnent d'eux-même est double, à la fois un peuple de prêtres, d'esclaves soumis à Dieu, et un peuple de transgresseurs.
Le nom d'Hébreux vient d'un mot qui signifie "passage", passage de la Mer Rouge, bien sûr, mais aussi si l'on en croit Rachi, par ce que c'est un peuple qui passe, qui franchit, qui transgresse les lois.
La soumission du peuple juif à Dieu est une soumission volontaire, à une révélation. Ce que Dieu dit, c'est ce que la Torah dit. Il s'agit d'obéir sans n'avoir jamais vraiment la preuve définitive et totale de Dieu et de ce qu'il veut. C'est cela qui répond à l'ordre "Répéter et écouter", ou bien faire puis comprendre, comme l'enfant à qui l'on apprend les règles de vie avant qu'il ne les comprenne. Le croyant, c'est celui qui a peut-être des doutes, mais qui obéit tout de même.
Si le peuple juif est un peuple de prêtres, c'est que hommes parmi les autres hommes, ils ont reçus et compris la tâche de rappeler aux hommes leur origine, origine commune et divine. Il s'astreint à beaucoup de plus de règles que le reste de l'humanité pour signifier ce rapport spécial à Dieu.
On retrouve dans l'histoire juive, du Talmud à Elie Wiesel, ce récit de l'homme qui demande à Dieu s'il ne pourrait pas se choisir un autre peuple.

Philippe Cousson


Groupe animé par Boubaker El Hadj Amor

En réponse à une question, Boubaker donne des détails sur la façon dont sont organisées les cinq prières quotidiennes des musulmans : contenu (proclamation de la grandeur de Dieu, lecture du Coran, éléments obligatoires et facultatifs), modes d'expression (à voix haute ou à voix basse), postures avec leur signification, rites de préparation (ablutions). Il parle également des rites annuels comme le Ramadan.

Tout ce que fait le croyant peut être un acte rituel, si il est accompli de façon appropriée et avec l'intention de se mettre en rapport avec Dieu. Inversement, cette ritualité qui peut apparaître très complexe et « envahissante » a pour fonction de donner à l'homme (et à la femme) qui la pratique un contrôle complet sur soi-même, et de lui rappeler qu'il est toujours sous le regard de Dieu.

Mais ceci est un idéal proposé. Personne n'est capable de toujours échapper au risque de transformer le rite en simple geste automatique. D'autre part, il y a toujours la possibilité d'aménagement, que ce soit pour des raisons d'impossibilité physique, de contraintes de travail, de santé, etc. Dans tous les cas, des modalités de compensation ultérieures sont prévues.

Le pardon des péchés : il est toujours possible, à tout instant, directement entre Dieu et le pécheur qui se repentit. Il n'y a pas l'équivalent du sacrement de réconciliation des catholiques, ne serait-ce que parce que l'Islam n'a pas de prêtres dans le sens catholique du terme. Chaque fois que c'est possible, en particulier lorsque la faute a été commise à l'encontre d'un autre, une réparation est nécessaire.

Amour et soumission : quand et comment sont-ils enseignés aux enfants ?
Ils vont toujours ensemble, et on peut classer les très nombreux noms et attributs de Dieu en deux grandes catégories : celle de la majesté et celle de la miséricorde.
L'enseignement doit commencer à partir de l'âge de sept ans, et les prescriptions s'appliquent à partir de dix ans. Mais en fait, normalement, les enfants s'imprègnent de tous ces rites bien plus tôt, en les partageant avec leurs parents.

(secrétaire : François Nau)




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