Je voudrais simplement intervenir sur un aspect d'ordre historique. Je voudrais rappeler, puisque ici, dans cette région, le catholicisme a été majoritaire depuis fort longtemps, que, dans un premier temps, le sujet de la légitimité ne se posait pas. Une fois reconnu comme religions principale, bien avant Charlemagne, le catholicisme a défendu le devoir de prêcher, fut-ce par tous les moyens et par conséquent le doit d'entendre la Bonne Parole de la part des autres, fût-ce encore par tous les moyens.
Cette violence historique qui nous est reprochée aujourd'hui demande
cependant à être expliquée. Pourquoi une légitimité
avait-elle une telle prétention ? Parce que l'idée commune, qui
n'était d'ailleurs pas propre au christianisme, était que l'humanité
vivait la fin des temps ; la conscience d'être dans un monde plein, rempli,
au bord de son terme, accélérait non seulement l'urgence d'une
légitimité mais encore d'établir cette légitimité,
le plus rapidement possible, le plus largement possible et parfois par des moyens
que nous trouvons légitimement contestables aujourd'hui.
La rapidité du temps, dont parlait pour commencer, le pasteur Mino Randria,
était devenue dans la conscience des chrétiens et des non chrétiens
une urgence devant la fin des temps. Deuxièmement, je crois qu'il y a
une légitimité qui a remplacé cette première avec
ses violences, ses impositions qui nous semblent inacceptables aujourd'hui,
mais - ne faisons pas d'anachronisme - étaient conformes aux cultures
de ces différentes personnes. La seconde légitimité qui
s'est présentée était d'insister sur les services que les
religions peuvent rendre à l'humanité. Cette légitimité
s'est développée tout au long du 18e siècle. Elle était
chère à Napoléon Premier, aussi chère sinon plus
à Napoléon 3 et on ne peut pas dire que cet utilitarisme ait disparu
aujourd'hui dans les pensées des politiques religieuses de nos responsables.
Mais si on doit juger la légitimité à partir de l'utilité,
nous tombons dans une autre difficulté. Les services d'état, les
services publics, ne font-ils pas à la place des religions le même
travail ? N'ont-ils pas les mêmes résultats que ceux qu'obtenaient
les religions ? Ainsi l'utilitarisme a le suprême inconvénient
de traiter de manière non religieuse les religions.
D'où une troisième forme de légitimité. Il me semble,
pour reprendre ce que disait le pasteur, que nous ne pouvons prétendre
qu'à une légitimité symbolique. Déjà Saint
Paul rappelait à la communauté que sa manière de vivre
était le signe du message qu'elle avait à délivrer autour
d'elle. Il rappelait également - il faut bien que j'en prononce le nom
comme catholique - que l'existence des sacrements nous donne déjà
par avance en espérance de vivre d'un royaume qui est loin d'être
arrivé mais vers lequel nous tendons.
Et enfin je voudrais simplement rappeler que cette légitimité
de troisième type doit être une légitimité étonnante
qui n'est pas d'ordre juridique. Rappelez-vous que le mot Evangile ne veut pas
dire simplement une nouvelle vraie, ni même une nouvelle juste mais une
Nouvelle Bonne et que la Bonté d'une nouvelle, personne ne peut en décider
à la place d'une autre.