Position catholique

Albert Rouet, archevêque

Je voudrais simplement intervenir sur un aspect d'ordre historique. Je voudrais rappeler, puisque ici, dans cette région, le catholicisme a été majoritaire depuis fort longtemps, que, dans un premier temps, le sujet de la légitimité ne se posait pas. Une fois reconnu comme religions principale, bien avant Charlemagne, le catholicisme a défendu le devoir de prêcher, fut-ce par tous les moyens et par conséquent le doit d'entendre la Bonne Parole de la part des autres, fût-ce encore par tous les moyens.

Cette violence historique qui nous est reprochée aujourd'hui demande cependant à être expliquée. Pourquoi une légitimité avait-elle une telle prétention ? Parce que l'idée commune, qui n'était d'ailleurs pas propre au christianisme, était que l'humanité vivait la fin des temps ; la conscience d'être dans un monde plein, rempli, au bord de son terme, accélérait non seulement l'urgence d'une légitimité mais encore d'établir cette légitimité, le plus rapidement possible, le plus largement possible et parfois par des moyens que nous trouvons légitimement contestables aujourd'hui.
La rapidité du temps, dont parlait pour commencer, le pasteur Mino Randria, était devenue dans la conscience des chrétiens et des non chrétiens une urgence devant la fin des temps. Deuxièmement, je crois qu'il y a une légitimité qui a remplacé cette première avec ses violences, ses impositions qui nous semblent inacceptables aujourd'hui, mais - ne faisons pas d'anachronisme - étaient conformes aux cultures de ces différentes personnes. La seconde légitimité qui s'est présentée était d'insister sur les services que les religions peuvent rendre à l'humanité. Cette légitimité s'est développée tout au long du 18e siècle. Elle était chère à Napoléon Premier, aussi chère sinon plus à Napoléon 3 et on ne peut pas dire que cet utilitarisme ait disparu aujourd'hui dans les pensées des politiques religieuses de nos responsables.
Mais si on doit juger la légitimité à partir de l'utilité, nous tombons dans une autre difficulté. Les services d'état, les services publics, ne font-ils pas à la place des religions le même travail ? N'ont-ils pas les mêmes résultats que ceux qu'obtenaient les religions ? Ainsi l'utilitarisme a le suprême inconvénient de traiter de manière non religieuse les religions.
D'où une troisième forme de légitimité. Il me semble, pour reprendre ce que disait le pasteur, que nous ne pouvons prétendre qu'à une légitimité symbolique. Déjà Saint Paul rappelait à la communauté que sa manière de vivre était le signe du message qu'elle avait à délivrer autour d'elle. Il rappelait également - il faut bien que j'en prononce le nom comme catholique - que l'existence des sacrements nous donne déjà par avance en espérance de vivre d'un royaume qui est loin d'être arrivé mais vers lequel nous tendons.
Et enfin je voudrais simplement rappeler que cette légitimité de troisième type doit être une légitimité étonnante qui n'est pas d'ordre juridique. Rappelez-vous que le mot Evangile ne veut pas dire simplement une nouvelle vraie, ni même une nouvelle juste mais une Nouvelle Bonne et que la Bonté d'une nouvelle, personne ne peut en décider à la place d'une autre.

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